Des élus loin d’être seuls !

Written by Olivier Rigaud. Posted in SOCIETE

S’ils se sentent parfois trop seuls à peser mûrement de lourdes décisions à prendre et assumer, que les élus se rassurent : il y a dans la société un bon nombre de citoyens qui pensent à eux. Vigilants et motivés pour prendre pleinement part à la gestion des affaires de la cité, ils n’espèrent qu’une chose, qu’on le leur permette...

À l’image de ces entreprises modernes et innovantes qui expérimentent de nouveaux modes d’organisation, à quand une collectivité qui s’ouvre pleinement à une participation citoyenne, au travail par ateliers ou par cercles ? Comment trouver l’équilibre dans la gouvernance de la cité entre la verticalité éclairée qui tranche face aux hésitations et l’horizontalité qui garantit une meilleure représentativité de la société et exclut les enjeux de leadership et d’egos?

Autant d’interrogations qui ont transpiré au cours de la soirée organisée au CRIJ d’Orléans mercredi par le Cit’lab (association des initiatives citoyennes), à l’occasion d’un « tribunal pour les générations futures », qui se demandait s’il fallait laisser les élus décider seuls de tous les projets ? Entre ces responsables qui se sentent suffisamment compétents pour n’avoir pas de comptes à rendre et des citoyens qui se satisfont - et encore - de mettre un bulletin dans l’urne, la relation mérite en effet d’être clarifiée.

Alors, pour éclaircir humblement la situation, pour esquisser ce que pourrait être une opposition citoyenne constructive, présidents, procureurs, avocats et jurés tirés au sort dans le public ont mené les débats devant à peine moins d’une centaine de personnes captivées, intéressées et souvent amusées par la tournure de l’audience où l’intelligence rivalisait avec l’humour. Chaque témoin passé à la barre permettait d’aborder cette problématique sous un angle différent.

Ainsi, à Nicolas Guilmain, membre du collectif Vélorution, venu évoquer les « mobilités actives » à Orléans, a t-il été demandé quelle légitimité pouvait-on accorder à des groupes minoritaires, sortes de lobbies citoyens, qui assurent exprimer le souhait de la majorité ? Mais à quel titre ? Ainsi Camille Simonet, étudiante en BTS design d’espace, a t’elle eu l’occasion de rappeler que « les étudiants n’ont pas souvent l’occasion de faire entendre leurs voix : voter est presque le seul pouvoir qui nous est donné. »

Charlotte Driollet, orthophoniste de son état, a fait surgir de manière éclatante la pensée d’une frange importante de notre société : il existe des solutions pour rendre les citoyens suffisamment disponibles pour qu’ils puissent participer davantage à la vie de la cité, sans se consacrer toujours entièrement au travail ou à la consommation. « Si la politique est une science, il y a alors autant d’experts que d’opinions ! », a t’elle lancé, expliquant que ce n’était pas nécessairement à un élu ou à un individu nommé de décider seul avec ses quelques conseillers de ce que devait être l’éducation, mais qu’un tel sujet méritait d’être discuté en permanence par les principaux intéressés, les élèves, les enseignants et les parents.

Dernier témoin - comment féminiser ce terme ? - Monique Lemoine, présidente du planning familial et ancienne élue à Saint-Jean-de-la-Ruelle et Fleury-les-Aubrais, a illustré avec éclat ce qu’est une militante ! « On me l’a reproché en tant qu’élue ! » Alors, une fois de l’autre côté de la barrière, il faudrait apprendre à se comporter différemment, à ne plus être un citoyen combatif ? « Moi, je veux changer le monde, au quotidien, là, maintenant ! »

Très riche, la rencontre s’est naturellement conclue sur les réquisitoires. Le procureur Philippe Rabier a défendu les élus, avançant la confiance et la reconnaissance qu'ils devraient inspirer, pour le temps, l’énergie, les compétences qu’ils consacrent au bon fonctionnement de notre société. « Leur légitimité est interrogée en permanence. Mais les citoyens sont-ils si nombreux à s’intéresser et à être prêts à codécider ? » Pointant du doigt les « lobbies citoyens qui défendent des intérêts particuliers davantage que publics », il a d’autre part précisé que les élus ne décidaient jamais vraiment seuls, entourés qu’ils sont de conseillers, d’adjoints, d’experts ou de cabinets extérieurs… Surtout, il a rappelé à quel point nous avions besoin de leur courage : la majorité des Français étaient à l’époque opposés au droit à l’avortement et la plupart des Orléanais ne voulait pas entendre parler de la première ligne de tramway...

Quant à l’avocate Véronique Fenninger, elle a interpellé la salle : « Qu’est-ce qu’un élu, un Dieu tout puissant, un Maître absolu, la figure du Roi ? Le projet CO’Met à Orléans ne mérite-t-il pas un débat public » quand bien même son montant estimé ne contraint pas légalement la collectivité à le faire ? Elle a illustré son propos par les exemples vertueux de Grenoble où les citoyens peuvent inscrire une motion à l’ordre du jour du conseil municipal, ou de Tours, qui accorde une certaine importance à son conseil de développement ouvert à des citoyens volontaires et tirés au sort. « Le pouvoir n’est pas une fin en soi mais un service, il  y a besoin d’outils de codécision pour créer une société imaginative et apaisée, la Démocratie comme l’entendaient les Grecs. »

À la lumière de ces exposés, reste à chacun d’entre vous de se faire une opinion et de juger : faut-il laisser les élus décider seuls de tous les projets ?

 

Quand la parole se libère,

les esprits filent -

- étoiles dans la nuit claire