L’accès aux services publics dans les territoires ruraux – le cas du Sud Berry
La Cour des comptes a réalisé une enquête relative à l’accès aux services publics dans les territoires ruraux à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. La création d’une formation interjuridiction a permis d’effectuer ce travail en s’appuyant sur les six chambres de la Cour, complété par les travaux de six chambres régionales des comptes, dont celle du Centre-Val de Loire. Son examen a porté sur le territoire du Cher, et plus spécifiquement celui de la communauté de communes Berry Grand Sud.
Au sein d’un département, lui-même contraint de relever des défis socio-économiques majeurs, la communauté de communes Berry Grand Sud est un territoire rural confronté à de nombreuses difficultés parmi lesquelles une baisse et un vieillissement de sa population, ainsi qu’un taux de chômage élevé conjugué à une activité économique peu favorable. Dans ce contexte, le développement ou, tout du moins, le maintien de l’accès aux services publics, constitue un enjeu politique fort pour les différents acteurs institutionnels face à une population dont le sentiment d’abandon et d’isolement s’avère de plus en plus prégnant.
La Cour a analysé la présence des services publics nationaux et son évolution dans les territoires ruraux au cours des années récentes et n’a pas relevé d’abandon généralisé de ces territoires par les grands réseaux de services publics. Sur celui de Berry Grand Sud, les réseaux de l’éducation nationale et de La Poste (qui a transformé ses points de contact) sont encore présents, les autres opérateurs ayant réduit leurs implantations, dès avant 2013, sans concertation avec les acteurs locaux, et favorisé les démarches numériques.
Alors même que le numérique devient partout un mode normal d’accès aux services, il est, pour les territoires isolés, un mode de recours incontournable et peut devenir un instrument d’égalisation des chances. Encore faut-il que deux conditions soient réunies : que les infrastructures numériques le permettent ; qu’il existe des dispositifs d’accompagnement de la population dont l’âge et les caractéristiques socio-économiques compliquent l’usage des instruments numériques.
Or cette enquête a révélé que ces deux conditions sont loin d’être remplies. Dans le Cher, la couverture numérique mobile et fixe est insuffisante, l’objectif d’apporter à 70% de la population la fibre optique d’ici 2021 paraissant difficilement atteignable et les zones d’habitat dispersé comme le Sud Berry en étant de fait exclu. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de professionnaliser et sécuriser l’intermédiation numérique, qui dans le Cher, passe par l’accueil dans différents points d’accès tels que les maisons de services au public (MSAP) et les quelques espaces publics numériques.
L’enquête a également souligné un besoin de clarification des compétences et d’amélioration du pilotage des politiques d’accessibilité au niveau local. Dans le Cher comme ailleurs en France, le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public présente des limites : quoiqu’il ait été l’occasion d’élaborer un diagnostic et une approche territoriale partagés, son caractère opérationnel reste à démontrer.
L’intercommunalité apparait alors, selon la Cour, comme l’échelon adapté de la mise en œuvre de l’accès aux services public, coordonné au niveau départemental. La communauté de communes Berry Grand Sud, avec son pôle de centralité (Châteaumeillant) et ses deux pôles d’équilibre devrait conforter son action en ce sens et adopter une politique globale qui aille au-delà de projets élaborés au gré des opportunités. Parmi ces actions portées au niveau intercommunal, la création d’une maison de santé pluridisciplinaire et multisites, est une ambition forte sur un territoire de désert médical, qui ne pourra fonctionner que si de nouveaux professionnels s’y installent. Le mode de fonctionnement en exercice partagé n’est pas à ce jour une garantie d’attractivité du territoire pour lequel les dispositifs financiers incitatifs ont jusqu’alors été inefficaces.
Avec la rétractation des réseaux et la fermeture des guichets accompagnant la dématérialisation, les MSAP offrent un accompagnement permettant aux usagers d’accéder à distance aux services de plusieurs opérateurs nationaux (dont Pôle emploi et les services sociaux). Les deux MSAP de Châteaumeillant et Saulzais-le-Potier tiennent une place majeure dans le paysage du Sud Berry. La présence d’animateurs compétents et identifiés par les usagers garantit la réussite de ces dispositifs dont l’activité croît et dont la pérennité dépend essentiellement de la capacité de la communauté de communes à en assumer la charge financière. Les juridictions financières ont par ailleurs souligné l’enjeu de professionnalisation du modèle des MSAP, passant par la création d’un métier reconnu d’agent polyvalent d’accompagnement du public.